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Violences policières : apporter les preuves

Mieux vaut avoir des preuves visuelles solides pour obtenir réparation en cas de violences policières illégitimes. L’atelier Witness a montré comment faire à des habitants du 12ème arrondissement de Paris.

Le 13 décembre 2019, l’association Witness a animé un atelier pour des habitants du 12ème arrondissement à Paris, dans le cadre du Collectif Place aux Jeunes 12ème, avec le soutien de la fondation Open Society, de l’association Maison communautaire pour un développement solidaire (MCDS) et du centre social Relais 59 (1). 


Filmer un contrôle est autorisé

Isabelle de Witness Belgique a donné de nombreux conseils. On sait combien, devant les tribunaux, les photographies et vidéos sont déterminantes dans l’instruction des affaires de violences policières. 
A-t-on le droit de filmer les policiers ? Les avocats présents ont, sur ce point, été très clairs : oui, la loi autorise à filmer. En outre, les policiers n’ont pas le droit de confisquer les portables, ni d’obliger leurs propriétaires à détruire les images. Une circulaire de 2008  fait d’ailleurs l’injonction aux policiers d’accepter d’être filmés.

Attention à la diffusion d'images de policiers

C’est au niveau de la diffusion des images qu’il convient, au regard de la loi, d’être attentif.
Par précaution, on s’interdira de diffuser ou publier sur les réseaux sociaux les images de policiers, quel que soit le service auquel ils sont rattachés, dont le visage est identifiable.
Il est recommandé de partager les images en privé avec des organisations de défense des droits de l’Homme après avoir bien pris connaissance des responsabilités qu’une telle diffusion implique.
Si on est amené à retoucher les vidéos (pour que le ou les policiers ne soient plus identifiables), on prendra soin de conserver la copie originale pour la justice.

Violences policières : apporter les preuves https://echosdu12.blogspot.com/
Pour se protéger : Filmer à distance et zoomer, si possible à plusieurs.

Veillez à sa sécurité personnelle

Entre le droit et la pratique, il y a parfois un fossé : en 2017, on signalait au Collectif Place aux Jeunes 12ème qu’un jeune habitant en train de filmer un contrôle musclé avait reçu un coup de matraque avant d’être embarqué. A la suite de quoi ce témoin avait porté plainte pour garde à vue abusive.
Lors de l’atelier, une jeune habitante a également signalé « s’être fait gazée » alors qu’elle filmait des policiers. 
D’où la recommandation expresse de l’animatrice : il convient en premier lieu d’assurer sa sécurité en se mettant suffisamment à distance quitte à zoomer la scène. Cela évitera qu'on vous reproche de gêner le travail des policiers.
On veillera aussi à filmer les alentours afin de situer la scène géographiquement (plaque de rue, immeuble) et à relever l’heure et le jour.
L’animatrice a également souligné l’importance de faire des séquences suffisamment longues (plus de 20 secondes) et lentes, de se camper solidement sur ses pieds pour que les images soient nettes. On s'organisera aussi, si possible, à être plusieurs à filmer la même scène afin que les témoignages se recoupent lors de l’instruction des plaintes par la justice. Sur tous ces points, la fondation Witness met un guide à disposition sur internet.

Brésil, les citoyens obtiennent gain de cause

Un militant de Witness Brésil, Raoul, a décrit les graves violences policières quotidiennes dont sont victimes les habitants des favelas, des milliers de décès par des tirs de policiers étant recensés là-bas. À tel point que beaucoup d’habitants des quartiers pauvres en arrivent à la conclusion qu’ils n'ont, en réalité, quasiment aucun droit en matière de justice.
Certains, pourtant, s’organisent. Ils bénéficient du soutien d’ONG qui les aident à recenser les violences policières, à demander réparation devant la justice.
Raoul évoque le cas d’un enfant de huit ans qui a été abattu par un policier. Ce sont les images prises par le smartphone même de l’enfant qui ont permis d’apporter la preuve de la culpabilité du policier devant la justice.

Violences policières : apporter les preuves https://echosdu12.blogspot.com/
Les photos et vidéos sont déterminantes comme preuve dans les affaires de violence policière.

Citoyenneté au rabais

Si les habitants des favelas du Brésil ont le sentiment de ne pas avoir les mêmes droits que les autres citoyens brésiliens, dans nos quartiers populaires également, les jeunes ont parfois intériorisé certaines pratiques alors qu’elles sont totalement contraires aux lois.
C’est notamment le cas des contrôles discriminatoires, dits « au faciès ». L’habitude prise par ces mêmes jeunes de se mettre spontanément contre un mur en levant les bras en l’air, suggère aussi l’intériorisation d’une forme de citoyenneté au rabais, car ce réflexe est totalement absent chez les jeunes des quartiers plus favorisés (2). 
En démocratie, veiller au plein respect des droits de tous est la meilleure garantie des droits de chacun. C’est le sens de la plainte collective déposée par 18 jeunes habitants du 12e arrondissement contre certains fonctionnaires de police du 12e arrondissement, et de la mobilisation d’habitants et d’associations pour les soutenir dans leur dénonciation des violences policières subies. Rappelons que trois de ces policiers ont été condamnés, en première instance, le 4 avril 2018 (3)

Dénoncer les abus aide à se construire en tant que citoyen

La plainte des jeunes habitants du 12ème a inspiré la création d’autres collectifs, comme celui d’Argenteuil (Val-d'Oise) (4).  Dans le 12ème arrondissement, les jeunes habitants (5)  ont pris conscience, à travers la plainte, de la possibilité et de la légitimité à dénoncer les abus. Cette prise de conscience participe à la construction de leur citoyenneté.
Alors que la passivité, le renoncement, le sentiment de n’être pas entendu face à des situations de violence policière ou d’injustice risquent, à l’inverse, de les rejeter dans la marginalité.

Witness aide les citoyens

Rappelons que l’association Witness a pour vocation d’aider les citoyens à faire respecter leurs droits en utilisant les moyens de communication modernes. Elle intervient au niveau mondial, partout où des faits de violence sont exercés illégitimement par des représentants des forces de l’ordre. Il peut s’agir de pratiques isolées, caractéristiques de déviances policières, ou de politiques de répression des populations par des gouvernements antidémocratiques.

Théophile Barbu, Collectif Place aux Jeunes 12ème

(1) L’atelier a eu lieu à l’espace Rondelet du Relais 59, 4 rue Rondelet, Paris 12.
(2) À tel point qu’il peut arriver que certains policiers, par éthique professionnelle, se sentent obligés de rassurer les jeunes en leur disant qu’ils ne souhaitent que contrôler leur identité et que ceux-ci n’ont pas besoin de lever les bras en l’air, en se collant face au mur. Cf. Police, Illégitime violence, film de Marc Ball, coproduction Talweg Production – France 3 Île de France, novembre 2018. 
(3) Condamnations à des peines de 5 mois de prison avec sursis. Les policiers ont fait appel. 
(4) Cf. le film de Police, Illégitime violence.
(5) Y compris les préadolescents, car la pression policière peut être ressentie très tôt.

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