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Des contrats se cachent derrière l'obligation de valider le pass Navigo

Il ne suffit pas de payer son titre de transport, il faut le valider au risque d'avoir une amende. Raison : le comptage des passages est inhérent au contrat commercial entre le syndicat organisateur des transports en commun en région parisienne et les sociétés qui concrétisent ce transport. 

En région parisienne, si vous ne validez pas votre pass Navigo dans le métro, l'autobus, le RER ou le train, vous pouvez avoir une amende. Cela peut être involontaire quand le pass ou le lecteur de carte fonctionnent mal (1). Il est arrivé que des jeunes achètent un carnet de tickets, en plus du pass, pour ne pas risquer une amende. 🚇

Des contrats se cachent derrière l'obligation de valider le pass Navigo
Le pass Navigo vaut pour toute l'Ile-de-France.
Il concrétise des contrats avec la SNCF, la RATP et des compagnies de bus

Nous avons cherché à savoir pourquoi les opérateurs de transport considèrent qu'il y a fraude, alors que le pass est payé.


Opérations incombant aux voyageurs

Ce risque d'amende repose d'une part sur des textes dont l'origine remonte à mars 1942, date et contenu qui nous ont questionnés, et d'autre part sur des contrats.

Le décret-loi n°730 du 22 mars 1942 "portant règlement d'administration publique sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt général et d'intérêt local" concerne tous les transports en commun ainsi que l'accès aux quais. Il dit à son article 80-3 :

« Sera punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe toute personne qui aura voyagé dans les voitures des services de transports de grandes lignes de la Société nationale des chemins de fer français sans titre de transport ou munie d'un titre de transport non valable ou non complété, s'il y a lieu, par les opérations incombant au voyageur. (...). » 

L’article 80-3 de ce décret-loi a été remplacé en 2016 (décret n°2016-541 du 3 mai 2016) par l’article 5 qui ressemble beaucoup au texte de 1942.

L'article 5 de 2016 interdit à toute personne :

« 1° De pénétrer dans un espace dont l'accès est réservé aux détenteurs d'un titre de transport ou de voyager dans un véhicule affecté au transport public de voyageurs, sans être munie d'un titre de transport valable complété, s'il y a lieu, par les opérations incombant au voyageur telles que compostage, validation ou apposition de mentions manuscrites. »


http://echosdu12.blogspot.com/
Si le pass n'est pas validé, c'est considéré comme de la fraude
même s'il est payé en bonne et due forme. 


La raison officielle cache la raison commerciale

Nous avons cherché à savoir ce qui, encore aujourd'hui, justifiait une telle obligation alors que le contexte n'était plus le même.

Nous avons interrogé la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) et avons complété par d'autres sources.

Cette obligation d'oblitérer ou de valider est inhérente aux relations commerciales entre Ile-de-France Mobilités, syndicat organisateur des transports (2), et les opérateurs à qui elle confie la réalisation concrète des transports, c'est-à-dire la RATP, la SNCF et des compagnies de bus privées (3).

Le conseil d'administration d'Ile-de-France Mobilités réunit des représentants de la Région, des départements, des collectivités locales, leurs établissements et de la Chambre de commerce et d'industrie régionale, des usagers.

Raison officielle de l'obligation de valider le pass : elle permet d'analyser la fréquentation des lignes et d'ajuster l'offre aux besoins réels. 

Raison commerciale : les opérateurs reçoivent une subvention d'Ile-de-France Mobilités dont une partie s'appuie sur le nombre de voyageurs, d'où l'intérêt de les dénombrer, ce qui engendre l'obligation de valider le pass.

Selon la Fnaut, la subvention du Syndicat aux opérateurs a baissé suite à la loi Savary de 2016 sur la sécurité et la lutte contre les incivilités dans les transports collectifs (4). Ce qui a pu les inciter à récupérer de l'argent à travers la "lutte contre la fraude".


Comportement ni dangereux ni agressif sanctionné

Les contrats signés récemment par la SNCF et la RATP attestent que l'intéressement des opérateurs se poursuit parallèlement à la baisse de leurs rémunérations par Ile-de-France Mobilités.

Voici les dernières lignes du communiqué du 9 décembre sur le contrat :

« La lutte anti-fraude sera renforcée et jouera un rôle important à la généralisation de cette nouvelle habitude de validation en entrée et sortie de gare. 

Sur le plan financier, Transilien, activité́ de SNCF Voyageurs, aura un intéressement sur les recettes et les validations.

Transilien s’engage à maitriser ses coûts et développer l’efficacité́ des services. La rémunération ainsi négociée s’élève à 2 300 millions d'euros HT en 2020 (avant recettes voyageurs) et à 2 240 millions en 2023. » 


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La lutte contre la fraude va être renforcée (contrat SNCF du 9 octobre 2021).
Entrée et sortie de gare devront être validées.

Des contraintes du même ordre s'expriment dans le communiqué sur le contrat RATP du 14 avril 2021 :

« Sur le plan financier, le contrat prévoit un intéressement de la RATP sur le niveau des recettes voyageurs et des validations. La RATP s’engage par ailleurs à maitriser ses coûts d’exploitation et à développer son efficacité́ économique. Les rémunérations annuelles versées par Ile-de-France Mobilités sont ainsi projetées en baisse de 230 millions entre 2020 et 2024, pour s’établir à 4 480 millions en 2024. »

Les contrôleurs vont-ils faire du zèle en mettant des amendes là où peut-être un avertissement ou une information aurait suffi ?

Peut-on parler d'incivilité quand un comportement ni dangereux, ni agressif est sanctionné par une amende parce qu'il gêne un contrat commercial ?

La récupération de données dans le cadre d'un contrat commercial peut-elle imposer un type de comportement à l'exclusion de tout autre ?

Finalement, notre civilité est appréciée à l'aune de contrats commerciaux qui peuvent changer indépendamment de toute véritable réflexion ou accord citoyen sur ce que ces changements signifient dans notre façon de vivre la ville, de s'y déplacer, de s'y tenir tranquille et dans son bon droit.

La rédaction d'Échos du 12 Paris
23 mai 2021

(1) Il n'est pas toujours simple de trouver de suite un agent pour signaler un disfonctionnement.

(2) Etablissement public administratif qui organise et finance les transports en Ile-de-France. Son budget est couvert à plus de 60% par la taxe transports des employeurs.

(3) Voir aussi "La RATP et la SNCF perdent la gestion informatique du Navigo", Eric Béziat, Le Monde, 18 décembre 2018.

(4) Loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.


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