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L'État condamné pour des violences policières sur des jeunes

Le 28 octobre 2020, l'État a été jugé responsable de violences illégitimes et/ou disproportionnées commises par des policiers en 2013-2015 et de gardes à vues qu'aucun délit ne justifiait. Quelques jours avant, les policiers avaient été relaxés de ces faits, en appel.


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Le Tribunal de grande instance de Paris a qualifié de "faute lourde"
la responsabilité de l'Etat vis-à-vis des jeunes. 


Par un jugement exceptionnel, le 28 octobre 2020, le tribunal de grande instance de Paris a considéré l’Etat  responsable des préjudices subis par 17 jeunes qui avaient porté plainte, en 2019, devant la juridiction civile contre des violences policières (voir chronologie ci-dessous).

Le tribunal n’a pas seulement reconnu la responsabilité de l’État dans les préjudices. Il a qualifié cette responsabilité de faute lourde dans des circonstances de deux natures : des violences illégitimes et/ou disproportionnées, d’une part, concernant plusieurs situations décrites dans la plainte. Des gardes à vue, d’autre part, qui sont intervenues, selon le tribunal, « hors du cadre prévu par la loi » en ce sens qu’aucun délit ne les justifiait.

Policiers relaxés en appel

Quelques jours plus tôt, le 23 octobre, la Cour d'appel de Paris prononçait la relaxe de trois policiers après leur condamnation en 1ère instance le 4 avril 2018.

Les audiences de la cour d’appel se sont déroulées les 17 et 18 septembre 2020. Les trois policiers qui avaient été mis en examen à la suite de l’enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ont été relaxés.


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En appel, les juges ont prononcé la relaxe des 3 policiers ayant été condamné en 1ère instance. Un pourvoi en cassation a été déposé contre cette décision.

Cela, malgré les réquisitoires très convaincants du Parquet qui ont rappelé la gravité des charges qui pesaient sur les policiers. Malgré également les preuves apportées par les plaignants.

Toutefois, les jeunes et leurs avocats vont se pourvoir en cassation contre la relaxe.

A commencer sur la question du harcèlement discriminatoire dont les plaignants estiment avoir été victimes, discrimination qui faisait l’objet de la plainte au civil contre l’État, devant le Tribunal judiciaire de Paris (voir ci-dessous). 

« L'État doit être en mesure de faire cesser et de réparer …. ces faits constitutifs de discrimination directe, indirecte, systémique et de harcèlement en raison de l’origine des plaignants... » Jacques Toubon - Défenseur des droits

Dans la plainte au civil contre l’État, le tribunal judiciaire de Paris n'a pas tenu compte de l'avis du Défenseur des Droits, Jacques Toubon (1). C'est une grande déception pour les jeunes et leurs avocats.

Jacques Toubon, saisi au sujet de cette plainte, avait rendu une décision (mai 2020) reconnaissant le caractère « systémique » des discriminations et des violences dont les jeunes plaignants ont été victimes.

Il écrit : « Ces faits, réalisés dans un tel contexte, doivent être regardés comme constitutifs de discrimination directe, indirecte, systémique et de harcèlement en raison de l’origine des plaignants, que l’État doit être en mesure de faire cesser et de réparer ».

Jeunes tous issus de l'immigration

Cette décision est venue s’ajouter à d’autres éléments attestant des pratiques discriminatoires en matière de contrôle dont ont souffert les jeunes plaignants qui sont tous issus de l’immigration.

A contrario, il a été très facile de trouver des témoignages d’habitants qui, n’étant pas issus de l’immigration, n’étaient jamais contrôlés.

Les jeunes plaignants et leurs amis, au moment des faits, subissaient fréquemment des contrôles qui n’étaient justifiés par aucun délit comme l’enquête l’a montré.

Cette rupture de l’égalité républicaine est d’une extrême gravité. Elle incite plus que jamais le collectif Place aux jeunes du 12e arrondissement à poursuivre sa mobilisation.

Lourdes verbalisations des certains jeunes habitants

La vigilance du collectif concerne notamment la verbalisation des jeunes habitants.

Les témoignages recueillis indiquent que les deux confinements ont donné lieu à de lourdes verbalisations (par ex. : un contrôle, trois amendes de 135 euros). Certaines amendes sont dénoncées par les jeunes habitants comme totalement injustifiées, preuves à l’appui. Nous avions déjà souligné les effets dévastateurs de ces verbalisations pour les jeunes et leurs familles, en novembre 2019.

L’injustice de la discrimination a, dans ce contexte de verbalisation, des conséquences financières catastrophiques sur les foyers modestes dont les ressources ont fondu du fait de la pandémie et du coup de frein à l’activité.

Le sentiment profond d’injustice s'accentue encore quand les fonctionnaires de police ne signalent pas aux "intéressés" leur verbalisation lors des contrôles, de sorte que la réception des amendes par voie postale s’accompagne d’une totale incompréhension. 

Théophile Barbu
Collectif Place aux jeunes 12e 

(1) Jacques Toubon, défenseur des droits (juillet 2014-juillet 2020), a été remplacé par Claire Hédon.

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2015-2020 : chronologie d'une plainte

18 jeunes du 12e arrondissement de Paris portent plainte contre des policiers et contre l'Etat. En voici les principales étapes.

Contre les policiers

  • 17 décembre 2015 : 18 jeunes portent plainte pour 40 faits de violences volontaires aggravées, agression sexuelle aggravée, arrestation arbitraire, séquestration, destruction de biens, discrimination et abus d’autorité, commis entre 2013 et 2015. Quatre policiers sont renvoyés devant le tribunal correctionnel (voir ci-contre).
  •  21-22 février 2018 : procès des quatre policiers au tribunal de grande instance de Paris.
  •  4 avril 2018 : 3 policiers condamnés à 5 mois de prison avec sursis et 2 000 euros de dommages chacun, en 1re instance.
  •  17-18 septembre 2020 : procès en appel par les policiers. 
  •  23 octobre 2020 : relaxe pour les 3 policiers.

Contre l'Etat

  • 2019 : plainte au civil contre le ministère de l'Intérieur et l'agent judiciaire de l'Etat.
  • 30 septembre 2020 : audience devant le tribunal de grande instance de Paris.
  • 28 octobre 2020 : l'Etat reconnu responsable d'une faute lourde pour certains des préjudices (contrôles injustifiés, violences et gardes à vue abusives) et condamné à indemniser les jeunes plaignants. A mi-janvier, l'Etat n'avait pas fait appel.

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