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Les amendes liées à la pandémie peuvent être contreproductives sur les jeunes

Dans le 12e arrondissement de Paris, les amendes pour non-respect des mesures liées à la pandémie ont pris le relais de celles pour trouble à l'ordre public qui, les unes comme les autres, s'abattent davantage sur les jeunes issus de l'immigration.
Le Collectif Place aux Jeunes 12e dénonce cette situation qui hypothèque leur avenir et rejaillit sur les familles. Il demande plus de pédagogie et le réexamen des sanctions.


Les amendes liées à la pandémie peuvent être contreproductives sur les jeunes
Il arrive que les jeunes dépassent l'heure du couvre-feu à cause d'un déplacement professionnel, ce qui les expose parfois à une amende malgré l’attestation-employeur.


Les témoignages de jeunes habitants du 12e arrondissement sur la pratique des verbalisations en temps de "pandémie" montrent qu'elle soulève de sérieuses questions et que son effet peut être contreproductif.

Face au nombre considérable d'amendes reçues par les jeunes, le Collectif Place aux Jeunes 12e estime que cette question devrait être saisie d'urgence par les pouvoirs publics et les institutions de protection de la jeunesse.

Commençons par les motifs des amendes. Certains sont relativement précis, mais ce n'est pas le cas, par exemple, du « Non-respect d'une mesure d'urgence prescrite en cas de menace sanitaire grave pour prévenir et limiter les conséquences de la menace sur la santé de la population » (cf. ci-dessous).


Motifs de verbalisation liés à la pandémie de Covid-19  

316 euros par jeune en moyenne

Le Collectif a réuni un échantillon d’une quarantaine de contraventions reçues en 2020 par 17 habitants des quartiers Érard/Reuilly/Daumesnil. Le montant total de ces verbalisations atteint 5.370 €, soit en moyenne 316 € par jeune verbalisé. Toutefois, derrière cette moyenne, se cachent de gros écarts puisque le total des amendes pour un seul jeune atteint couramment des montants considérables : 405 €, 508 €, 605 €, 945 € et jusqu’à 1048 €.


Les amendes liées à la pandémie peuvent être contreproductives sur les jeunes
Et il faut rentrer à quelle heure ? Ça change tout le temps !

Ces sommes ne donnent qu’une idée imparfaite de l’impact financier des verbalisations. Souvent, les jeunes habitants ne sont pas en mesure de payer de telles sommes, ni même leurs parents, quand ils sont encore à leur charge. C’est donc le montant de l’amende majoré qui s’applique : 2,8 fois plus élevé que l’amende initiale (375 € au lieu de 135 €). On comprend dès lors les sommes invraisemblablement élevées que finissent par cumuler certains jeunes. Les amendes pour non-respect des mesures liées à la pandémie ont pris le relais de celles pour trouble à l’ordre public, dont nous avons parlé dans deux articles précédents ici et ici.

La dette marginalise certains jeunes

Au final, il n’est pas rare que la dette d’un jeune habitant atteigne plus de 10.000 €. Or, les amendes, lorsqu’elles ne sont pas payées, quel que soit d’ailleurs le montant de la dette, se traduisent par des saisies sur les comptes et des visites d’huissier.

Les jeunes verbalisés tentent d’échapper à ces extrémités par l’étalement des paiements auprès de la Trésorerie Paris-Amendes 2ème division. Mais il existe un versant plus sombre. Le mur de la dette favorise la marginalisation de certains jeunes avec le recours au travail au noir pour éviter les saisies bancaires et une vulnérabilité aux trafics illicites.

Réexaminer les sanctions

L’effet dévastateur des verbalisations quand elles atteignent des niveaux tels que les foyers ne peuvent plus payer, plaide fortement pour un aménagement des sanctions. Rappelons que les jeunes en question se trouvent souvent « en première ligne », assurant pour leurs besoins essentiels des livraisons à domicile si nécessaires et si appréciées à l'heure de la Covid-19.
Les amendes liées à la pandémie peuvent être contreproductives sur les jeunes
Il n'est pas rare que la dette issue de verbalisations
atteigne 10 000 euros pour un seul jeune.

Rappelons aussi que les foyers modestes sont particulièrement impactés par les restrictions gouvernementales du fait de l’arrêt d'activités qui fournissaient tout ou partie de leurs revenus.

Quand l’insécurité alimentaire est une réalité pour les enfants d’une partie de ces foyers, difficile de payer les amendes. Cela nous amène à interpeller la puissance publique pour que, au plus vite, soit mise en œuvre la possibilité d’un réexamen des sanctions financières, par exemple sous la forme de leur conversion, pour les jeunes, en travaux d’intérêt général (TIG), lorsque la verbalisation est justifiée.

Des contrôles "pandémie" au faciès

L’impact de ces pratiques est particulièrement préoccupant puisque les sanctions liées au non-respect des mesures de la Covid 19 atteignent plus lourdement des jeunes davantage contrôlés "au faciès".

Dans le 12e arrondissement précisément, l’État a été condamné en octobre 2020, pour fautes graves dans le cadre des contrôles de police exercés sur les jeunes habitants issus de l’immigration.

Certaines verbalisations sont discutables

Ce sentiment d’injustice est renforcé par la façon dont est parfois effectuée la verbalisation. Alors que des policiers profitent des contrôles pour faire de la pédagogie et engager un dialogue constructif auprès des jeunes (souvent des adolescents, rappelons-le, qui apprécient, nous disent-ils, cette forme de considération), d’autres procèdent à des sanctions d’une sévérité incompréhensible. Il est courant qu’un contrôle se traduise par deux amendes, soit 270 € en tout, et il n’est pas exceptionnel d’en recevoir trois (405 €).

En outre, les circonstances de certaines verbalisations amènent les jeunes à les contester. Par exemple, si fréquentant un établissement scolaire éloigné de leur domicile, il leur est difficile d’être chez eux avant le couvre-feu ; ou s’ils sont verbalisés au cours d’un déplacement professionnel, malgré la possession de l’attestation employeur qui, parfois, ne leur a même pas été demandée.

Nom mal orthographié

Il arrive que la verbalisation ne leur soit pas signifiée sur l'instant et qu'ils la découvrent en recevant l'amende. Ils s'étonnent aussi que leur nom soit parfois mal orthographié. Des jeunes objectent, documents à l’appui, qu’ils ne se trouvaient pas sur les lieux de la verbalisation au moment indiqué.

Autant de constats et d’interrogations qui rendent urgente l’adoption, par les pouvoirs publics, de mesures corrigeant les effets négatifs des pratiques de verbalisation actuelles.

Théophile Barbu
Collectif Place aux Jeunes 12e

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