Jardin de l’Aligresse : quand fleurit l’idée de partage

Théophile Barbu, le 20 décembre 2018

Collectif Place aux Jeunes Paris 12eme

On s’efforce, aujourd’hui, de verdir les villes par tous les moyens. A cet égard, le 12ème arrondissement a le mérite d’abriter un des tout premiers jardins partagés de Paris : l’Aligresse, au 3 passage Druinot, à deux pas du marché d’Aligre. 

Le jardin l’Aligresse a concrétisé un rêve d’abord dessinésur la palissade d’un chantier immobilier du 12ème.

Outre son ancienneté, l’Aligresse est remarquable par sa beauté, fruit d’une longue et patiente attention.

La végétation est luxuriante.

Le jardin associe arbres fruitiers, cultures vivrières et parterres de fleurs presque en toute saison.

Mais l’Aligresse est plus que cela. C’est le résultat d’une expérience militante assez unique à Paris. Car la parcelle a été conquise au printemps 2002 par les « communards » de la Commune libre d’Aligre qui ont occupé un bout de terrain destiné à un projet immobilier. 

La joie des communards en plein déblayage d’une parcelle voisine de l’actuel jardin de l’Aligresse.

Depuis le début, l’Aligresse est une association qui met en valeur un jardin partagé collectif (il n’y a pas de parcelle individuelle ou privative). C'est un lieu qui facilite le « bien vivre ensemble dans la cité », avec un intérêt pour les initiatives tournées vers les habitants du quartier, notamment les familles aux revenus modestes. 

La parcelle, avec ses premiers semis et ses premiers visiteurs.

Les voisins et militants découvrent les prouesses des jardiniers de l’Aligresse.

A cette dimension sociale, s’ajoute un engagement écologique : la permaculture est expérimentée sur des buttes de terre. Aux arbres, sont accrochés des refuges pour insectes, oiseaux et autres espèces en danger. A la grande joie des enfants qui découvrent des coccinelles et même des libellules cachées dans l’espace légumes. 

Ce « Key hole garden » (jardin trou de serrure) laisse percoler, par ses ouvertures, les oligo-éléments sur les plantes tout autour. Il peut nourrir une famille entière, en mode culture vivrière.

Je viens à la rencontre de Pierre, Josie et Joëlle, par une pluie battante et un après-midi de grand vent (au point que le jardin public qui jouxte l’Aligresse a été fermé par la municipalité). Les jardiniers m’invitent à partager un café et des pâtisseries maison avec quelques visiteurs, sous la pergola qui nous abrite. 

Entrée du jardin l’Aligresse par le square public équipé de jeux pour les enfants.

Entrée du jardin l’Aligresse le passage Druinot. 

En raison des intempéries exceptionnelles, la pergola finit par déverser son trop-plein de pluie sur mes épaules et celles de Pierre, mais il en faut plus pour doucher l’ambiance chaleureuse, chacun évoquant ses souvenirs du jardin à ses débuts. Pierre et Josie ont ressorti une collection de photos où je reconnais Toni, Cécile et bien d’autres militants en pleine action. 

Toni étrenne les allées du jardin.....

.... conformément au plan qui a été tracé.

Pierre se rappelle que les jardiniers avaient eu la surprise de découvrir, derrière les palissades du chantier à côté de l’actuel jardin l’Aligresse… des cultures vivrières ! Semées par des familles asiatiques du quartier qui complétaient ainsi l’alimentation de leur foyer. 

Parallèlement à la mobilisation citoyenne qui s’est donnée pour objectif de préserver l’îlot de verdure, une première mise en valeur de la parcelle a eu lieu. Elle a été compliquée par un épisode d’expulsion - la municipalité s’inquiétant quand même de voir des habitants occuper ainsi l’espace public, avant de faire machine arrière et de proposer la signature d’une convention en bonne et due forme. Une charte « Main-verte » a été enfin passée avec la marie de Paris en 2004. Aux tensions du passage en force, a pu succéder l’exploitation rigoureuse de l’espace alloué. 

Toni, aidé d’un militant, attaque en éclaireur la clôture d’un chantier, passage Druinot.

Deux ans plus tard, une charte « main verte » ayant été signée avec la ville de Paris, des enfants participent aux semis du jardin partagé.

D’autres surprises ont attendu les jardiniers. En effet, après analyse, la terre de la parcelle s’est avérée bourrée de métaux lourds, les artisans du faubourg ayant implanté leurs ateliers et travaillé là pendant plusieurs siècles. Il a fallu remplacer la terre d’origine. La ville de Paris a livré de la terre en grande quantité. Mais celle-ci étant trop pauvre pour la culture, les jardiniers ont dû se démener pour la compléter et l’enrichir avec de la terre suffisamment fertile pour qu’il soit possible d’y faire pousser quelque chose. 

Récompense des jardiniers, une magnifique courge sur le point d’être récoltée.

Aux habitants des immeubles environnants, l’Aligresse propose de participer au compostage. L’enclos donne des idées, fait naître des vocations de jardiniers des balcons et des abords de résidences. Car l’Aligresse reste un projet associatif ouvert à tous, à charge pour ses adhérents de prendre soin du jardin quand ils s’y trouvent et de laisser alors le lieu ouvert à tous les habitants. Il est possible, à la même condition, d’y organiser des piqueniques, des repas partagés, des fêtes de quartier. A vos binettes et arrosoirs ! 

Aligresse accueille de nombreuses réunions de quartier, sans que le jardin ne soit jamais privatisé.

Théophile Barbu, le 20 décembre 2018 

Collectif Place aux Jeunes Paris 12eme