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Parents, éducateurs et associations se mobilisent contre les rixes

   Plusieurs événements contre les rixes ont eu lieu dans l'Est parisien au 4e trimestre 2023. Ces rixes, parfois mortelles, témoignent de problèmes sous-jacents auxquels s'attaquent les mamans, les éducateurs et les associations. De nouvelles actions se préparent dont une marche pour apaiser les tensions en 2024.

Six cents personnes ont assisté à la Journée pour la vie et contre les rixes à Paris 11e, le 23 septembre,
dans la rue où un jeune a trouvé la mort en 2018.

   Le square de la Roquette à Paris 11e pétille en ce 23 septembre, Journée pour la vie, journée contre les rixes à l'initiative de l'association Hismaël Diabley junior (HDJ). Des jeunes jouent au basket ou au foot, sur les terrains au creux du square construit sur une ancienne prison de jeunes (1825-1935) puis de femmes (1935-1975). D'autres s'initient à la boxe. Au fond : des stands.
« 600 personnes sont venues à la 3e édition de cette journée, indique Aoua Diabley, cofondatrice d'HDJ, trésorière et coordinatrice. Les jeunes, nombreux, viennent volontairement et reviennent d'une année sur l'autre. Il n'y a pas eu de violence entre eux ce jour-là. Toutes les générations se retrouvent, les anciens, les grands, les moyens, les petits.»
   Les tournois sont l'occasion de se mesurer en douceur. À l'issue de l'un d'eux, deux jeunes discutent : «Je pense qu'on va arriver deuxièmes mais j'aimerais mieux être troisièmes parce que deuxièmes, ça veut dire que nous étions à ça d'être premiers, tandis que troisièmes, tu en es plus loin". »
  
Stand de boxe : apprendre à contrôler sa violence et à se protéger.


   En bordure des terrains de sport : des espaces réservés à la boxe. Le monde se presse pour s'initier ou regarder... à distance. « Avec un casque et des gants, ils croient qu'ils peuvent taper, » constate Abdé Traoré, éducateur, ancien boxeur, arbitre international et animateur d'ateliers (Globallstar, Paris 18e, 19e, 20e). Avec deux autres boxeurs, ils n'ont cessé de rappeler aux amateurs d'y aller "à la touche" et de protéger leur visage. « Nous travaillons sur le contrôle de la violence, poursuit M. Traoré. Ils apprennent à toucher sans être touché, à anticiper un coup, ce qui leur servira dans la rue. »
   Derrière l'arène sportive, les participants peuvent se photographier devant le portrait d'Hismaël Diabley Junior, poignardé en s'interposant lors d'une rixe rue de la Roquette en 2018, une peinture murale d'Ernesto Novo. Ils repartent avec la photo.
   
Portrait d'Hismaël Diabley Junior, tué lors d'une rixe rue de la Roquette (Paris 11e)
devant lequel on pouvait se photographier et partir avec la photo.
   
  Plus loin, des femmes, réunies en cercle sous un bel arbre, témoignent après l’introduction de Mohamed, éducateur de l’association Réglisse :
  « La mobilisation contre les rixes a trois objectifs, rappelle l'éducateur. Se souvenir des victimes, travailler pour améliorer le climat général et voir comment chacun peut s’impliquer et intervenir collectivement. »
  Les jeunes dont il est question sont de plus en plus jeunes et les embrouilles entre les quartiers continuent. Au mot « rixes », ils préfèrent « embrouilles » permettant ainsi de graduer les incidents.

 

 Le quartier : un espace public pas un territoire

  Plusieurs problématiques réunissent les personnes dans le cercle : la vie dans les quartiers populaires de l’Est parisien, les inquiétudes pour l’avenir des enfants mais aussi la solidarité avec des femmes isolées ou non, vivant les mêmes galères qu'elles-mêmes.

Sous un bel arbre, des femmes, la plupart mamans,
témoignent de leurs actions pour améliorer le climat général
et voir comment chacun-chacune peut s'impliquer contre les rixes.
  
  Khady Mané, fondatrice des Mamans de la banane (Paris 20e), exprime un sentiment partagé : tout le monde peut être touché, c’est dire l’importance que l’ensemble des adultes se sente concerné. Il faut diffuser l’idée que le quartier est un espace public et non pas un territoire leur appartenant. C’est important pour les jeunes affectés dans un établissement scolaire hors de leur quartier et parfois "concurrent" du leur. Il arrive que le sentiment d’insécurité ressenti par un jeune se répercute sur ses résultats. « Quand il y a le feu, nous pouvons intervenir mais quand cela devient un incendie, ce sont les pompiers qui interviennent », résume-t-elle.
  Aoua Diabley, maman de Hismaël Diabley Junior, a créé avec son mari l'association HDJ pour que d’autres foyers ne soient pas confrontés à un tel drame.

 

 Les mamans en alerte sur leur portable

  Autour de Mme Diabley, dans chaque quartier de l'Est parisien, les mamans sont en alerte et communiquent entre elles sur les réseaux sociaux. Quand c’est nécessaire, elles gardent leurs enfants à la maison. C’est plus rapide et plus sécurisant que de faire intervenir la police.
  Les Médiateurs et médiatrices du 20e, association représentée le 23 septembre par Adelaïde M., mène un travail avec les mamans en veillant à ce que toutes les générations soient représentées (lien https//2mdu20.org).
  Bintou Sissoko Ben Kadi avec son association Femmes relais (Paris 20e) intervient dans les conseils de discipline des établissements scolaires. Elle a gagné la confiance par un respect scrupuleux du secret professionnel. « Les enfants ont des comportements différents selon qu'ils sont à la maison, au lycée ou dans la rue, » souligne-t-elle.
  L'association entretient de bonnes relations avec le commissaire de police du 20e, par exemple, pour la prévention des pétards au 14 juillet (lien https://www.recit.net/femmes-relais-a-paris-20e/).
   Etait présente également l’association Oriane (Agence régionale de la promesse républicaine et de l’orientation de la Région Ile-de-France) avec Dalla Drame, coordinatrice insertion. Elle apporte un message de soutien et propose son aide aux « gens de bonne volonté ». Aoua Diabley lui répond qu’une aide financière serait bienvenue notamment pour organiser des loisirs « hors les murs » avec les familles. A noter qu'HDJ reçoit le soutien financier de la Ville de Paris et de la Caisse d'allocations familiales, notamment pour organiser des journées spécifiques.
   Le poète et écrivain Faustin Yavo, invité, a eu du mal à retenir les jeunes sur son stand et se demandait comment faire pour la prochaine fois.

 

 Mobiliser les papas

   La journée s'est terminée par un concert avec une dizaine de groupes de rap accompagnés de leur public. HDJ réfléchit déjà à la 4e édition.
  D'ores et déjà, HDJ et les collectifs de mamans ont décidé d'organiser une "marche symbolique pour l'apaisement des tensions dans nos quartiers". De plus, des interventions viseront à mobiliser les papas et les différentes communautés. Leur implication est primordiale pour l'émergence de perspectives d'amélioration d'une situation qui semble se banaliser au quotidien.
   Collectif Place aux jeunes 12e arrondissement

L'Est parisien à la pointe de la lutte contre les rixes

L'association Hismaël Diabley Junior (HDJ) fédère autour d'elle des associations et clubs de prévention impliqués dans la lutte contre les rixes, à ses côtés le 23 septembre (voir ci-contre).
Citons : Olga Spitzer dans le 11e ; MJC Mercœur (11e) ; Amicale des parents des jeunes de la Roquette et d'ailleurs (11e) ; Espoir 18 (18e) ; Cap Jeunesse (16e) ; Les réglisses (20e) ; Les mamans de la banane (20e) ; Collectif des mamans de Couronnes et d'ailleurs (20e) ; Les brigades des mamans (20e) ;Benkadi Afema XX (20e) ; Femmes relais (20e) ; Sada (Garges-les-Gonesse/Val-d'Oise).
Des personnalités sont venues ce jour-là. Parmi elles : Nadine Percheron du conseil de quartier Léon Blum-Folie Régnault (Paris 11e), Nicolas Nordman (maire du 19e, adjoint à la maire de Paris chargé de la prévention, de l'aide aux victimes, de la sécurité et de la police municipale), François Vauglin (maire du 11e), Eric Coquerel (député de Seine-Saint-Denis).


 « Ne pas attendre pour agir »

   Mamans et éducateurs agissent de plus en plus pour éviter les rixes en prenant les choses à la racine, les rixes n'étant que la partie émergée du problème.
   Le 4 novembre 2023, le Relais 59 (Paris 12e) a invité jeunes, éducateurs, mamans à discuter de la "place des adultes et des grands dans les embrouilles entre jeunes de quartier" : rôle de chacun, implications, perspectives. Arranger les choses passe plus par un ensemble de petites actions que par des événements spectaculaires.
   Aoua Diabley de l'association HDJ (Paris 11e) et Kadhy Mané (Les mamans de la baleine, Paris 20e) ont témoigné de leur douleur mais aussi de leur refus de tomber dans la vengeance. Elles encouragent à « se lever et à ne pas attendre pour agir. »
   La première, mère d'Hismaël, tué lors d'une rixe en 2018, la seconde, touchée indirectement par ce drame. Toutes les deux et d'autres mamans (voir ci-dessus) témoignent de leur vécu et des mobilisations qui en découlent.
   Kadhy Mané élargit l'analyse au vécu des immigrés, aux obstacles à une bonne écoute de leurs enfants - horaires de travail, logement trop petit, manque de temps - à l'absence d'espace (gratuit) pour les jeunes hors la rue, etc. Elle pointe la responsabilité de l'Etat qui « fait de telle sorte que les jeunes se retrouvent dans cette situation ». Citons le manque de logements sociaux, de soutien aux élèves en difficulté et de moyens dans la prévention.

Que les jeunes s'expriment - L'Association d'éducation populaire Charonne Réunion et le club de prévention Les réglisses (Paris 20e) ont organisé un espace de paroles sur les rixes, le 4 mai 2023. But : que les jeunes s'expriment sur les violences dont ils sont l'objet, les acteurs ou les témoins, au lieu que ce soit les adultes qui le fassent à leur place.

Ce jour-là, les éducateurs ont demandé aux jeunes d’analyser les violences par type pour trouver ensuite comment choisir de manière réfléchie l’attitude à avoir pour ne pas céder à cette violence ou pour la détourner, l’éviter.

Les éducateurs ont également projeté la vidéo "Souviens-toi de moi". On y apprend, entre autres choses, que plus de 200 jeunes ont été blessés lors de rixes à Paris sur la seule année 2020.


Violences repérées par les jeunes lors d'un espace de parole contre les rixes
organisé par l'Association d'éducation populaire Charonne Réunion et le club de prévention Réglisse (Paris 20e),
le 4 mai 2023.

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